Dans la ville de Saint-Junien, située à l'ouest de la Haute-Vienne, bordée par la Vienne et la Glane, l'industrie du cuir est très ancienne, puisqu'elle voit le jour entre le XIe et le XIIe siècle. Localisée au cœur d'une terre d'élevage et bénéficiant d'une qualité des eaux fluviales exceptionnelle, la ville possède tous les atouts pour s'imposer, au cours des siècles, comme une place centrale pour le travail du cuir et notamment de la production de gants, au niveau national, mais aussi mondial.
Plus qu'un simple accessoire, le gant constitue à l'époque un élément essentiel de l'habillement, servant notamment de protection lors de duels. Le gant de peau est cependant un signe d'importance, symbole de pouvoir pour celui qui le porte. La noblesse s'en empare, avant que les femmes ne commencent à le porter.
Peu à peu, le travail du cuir se développe à Saint-Junien, jusqu'à devenir, dès la fin du XVIIe siècle, l'activité principale de la ville. La production se divise en deux secteurs. La mégisserie, qui permet le tannage des peaux d'ovins, caprins et vachettes, est industrielle, tandis que la ganterie est artisanale. Au cours des générations, les techniques et savoir-faire évoluent, et l'apparition de la machine à coudre, en 1872, marque un réel tournant dans les techniques de fabrication des ganteries de la ville. La qualité des gants s'affine. L'activité ne cesse de se développer, et demande beaucoup de main d’œuvre. En 1900, elle emploie à Saint-Junien 1000 couturières au sein d'une quinzaine de fabriques. Elle connaît son apogée dans les années vingt et trente. L'industrie du cuir est alors le plus gros employeur de la ville, et est le théâtre d'importantes grèves et de revendications syndicales. Les métiers exercés sont divers : les coupeurs gantiers, toujours masculins, effectuent notamment une phase importante de la production, avec le travail du cuir que les couturières peuvent ensuite transformer.
Après les deux guerres, l'augmentation progressive de la concurrence mondiale, les changements de modes, les crises économiques font chuter les productions. Pour survivre, les ganteries de Saint-Junien doivent s'adapter, et s'installent dans la production de gants de luxe.
Depuis cette période, Saint-Junien, désormais surnommée "Cité du cuir" est restée la capitale du gant de luxe. Sa renommée est mondiale, et son image prestigieuse séduit les plus grands créateurs. Ainsi, elle fournit notamment les couturiers Dior ou Cacharel. La maison Hermès, quant à elle rachète la coopérative de Saint-Junien.
Désormais, seulement trois ganteries et une mégisserie sont encore actives à Saint-Junien. Aujourd'hui encore, les gants sont entièrement créés à la main, de même que des sacs, des ceintures... Tout au long de l'année, l'Office de Tourisme de Saint-Junien organise la visite des ateliers. Elles permettent aux visiteurs de découvrir les différentes étapes de la confection des gants, les machines qui y sont associées et l'expérience des artisans et des maîtres gantiers qui transmettent leur passion.
Au cours du temps, environ 1600 objets ont été conservés et référencés, ainsi que de nombreux témoignages, donnant lieu à des expositions ponctuelles, telles que "Mémoires de peaux" en 2005 ou "Couleur cuir" en 2006. Depuis 2007, Saint-Junien obtient le label "Ville et Métiers d'Art", et participe, tous les deux ans, aux "Journées artisanales du cuir". En 2008, elle participe également au 14e Salon International du Patrimoine culturel à Paris.
Prestigieuses et renommées, les ganteries de peau de Saint-Junien représentent un patrimoine industriel et culturel remarquable, une mémoire et une tradition ouvrière dont les marques sont encore visibles lors des promenades sur les bords de la Vienne.
© Un article de Julie Lardy - Détours en Limousin
Crédits photos : Office de tourisme de Saint-Junien
Publié le : 10 mai 2012
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